Aller au delà du seul impact climatique
Comment rendre le voyage régénératif, alors qu’il est bien souvent destructeur du vivant et membre du club sélect’ des dérégleurs du climat ?
La réponse apportée par On The Green Road est celle d’une nouvelle hype, du VIP de demain : le « Voyage à Impact Positif ». Celui-ci correspond à l’ensemble des pratiques et modalités de voyage que l’on juge désirables pour le monde d’aujourd’hui et celui de demain : socialement et écologiquement justes.
Si les débats autour de la mobilité se concentrent hélas essentiellement sur son impact carbone, la philosophie développée par l’association intègre la lutte pour la justice sociale. Si notre désir est de rendre le voyage sobre et accessible à toutes et tous, alors il se doit d’être également démocratique, équitable, inclusif, et décolonial.
Le Voyage à Impact Positif invite à une prise de recul sur le monde qui nous entoure afin de mieux comprendre ses réalités. Il nous invite à questionner nos usages mais aussi la posture que l’on développe en voyage.
Voyager en respectant l’ensemble du vivant, oui, mais comment ?
Réaliser le podcast « De Vives Voies » m’a permis de rencontrer des personnes donnant de précieuses clés inspirées de l’anthropologie. Avec elles, je vous invite à la découverte de postures de voyages ajustées et éthiques, vectrices de liens authentiques.
« Y’a plein de choses dans l’anthropologie qui sont intéressantes à apporter au voyage. On peut travailler sur notre rapport à l’étranger. Notre rapport à la femme, comment on la considère. Il faut se questionner plus sur le sens de nos voyages. »
Ecouter le témoignage de Chloé :
A retrouver également sur Spotify, Apple Podcast et Deezer
Ce que l’anthropologie peut apporter au voyage
Chloé et moi sommes confortablement installés sur le canapé d’un petit salon cocon. La maisonnette dans laquelle se déroule nos échanges est à Alleins, un village aux portes du Luberon, parc régional de Provence.
La discussion est fluide. Le micro ne fait pas peur à Chloé, elle qui s’illustre régulièrement en tant que conférencière, podcasteuse et formatrice.
Chloé au micro
Chloé Teyssier est anthropologue. Elle travaille notamment sur les imaginaires occidentaux en voyage. Elle m’explique que l’histoire du voyage est intimement liée à celle de la domination de l’Occident sur le reste du monde. Territoires colonisés, peuples exploités et évangélisés, vision naturaliste du monde imposée.
Chloé nous invite à prendre conscience du passé colonial de l’Europe et du poids qu’il continue à avoir au présent (par exemple en Amérique Latine, où l’extractivisme grignote les territoires autochtones et les écosystèmes, ouvrant sans cesse de nouvelles routes et frontières). Ceci afin de mieux comprendre la complexité des situations géopolitiques, le métissage des cultures, les luttes que continuent à mener certaines communautés. Il s’agit alors pour l’être qui voyage de percevoir les rapports de domination qui se jouent encore aujourd’hui, ceux que l’on reproduit malgré nous en chemin.
Le paysage s’est perdu dans une intense brume. Je devine la présence de grands reliefs. Les Bauges un matin de janvier. Il fait bon siroter un thé et discuter d’un périple en Amérique Latine pour se réchauffer. C’est la deuxième fois que je vois Antoine, la première fois que je viens chez lui. On se connaît peu et pourtant, j’ai l’impression que nos discussions sont familières. La veille au soir, on a pris le temps de visionner un très beau documentaire. Aujourd’hui, on évoque celui qu’il portera pendant les prochains mois. Réaliser l’interview sonne un peu comme un engagement de chacun à entretenir les liens. Elle dessine sans qu’on en prenne conscience les contours d’une amitié naissante.
Antoine Burgos a sillonné l’Amérique Latine à la rencontre des engagements associatifs. En Équateur, il s’est retrouvé via WorkAway à faire un échange dans une communauté autochtone vivant en Amazonie appelée Siekoya Remolinos. Sa mission est de donner des cours d’anglais aux enfants, dont la langue, le Paikoka, est parlée par seulement 1500 locuteurs dans le monde.
« On a vécu ensemble dans leurs codes, leur rapport au monde ; qui était pour moi à des années-lumière de ce que j’avais pu vivre en France ou même en voyage. C’était assez dingue d’entendre parler cette langue qui était un peu la surface d’une culture, d’un univers, que j’ignore. […]. J’en ai ramené une humilité que j’essaye de cultiver. »
Aujourd’hui menacée par la pollution industrielle et les changements climatiques, la culture Siekoya risque de disparaître.
Ecouter le témoignage d’Antoine :
Chloé m’explique que l’anthropologie peut beaucoup apporter au monde du voyage. Plusieurs méthodes de travail peuvent être utilisées par les personnes qui voyagent afin de développer d’autres rapports au vivant.
L’exemple précédent nous indique qu’il existe d’autres manières d’être au monde. On ne parle pas ici de croyances mais bien de vécus. Ainsi, nous ne détenons pas seuls « la raison », la vérité. On a pourtant tendance à l’imposer au reste du monde sans toujours s’en rendre compte.
Le regard anthropologue peut aussi nous amener à :
- Prendre conscience de nos privilèges. Ceux liés à notre genre, à notre couleur de peau, à notre passeport. Les réalités du voyage ne sont pas les mêmes pour toutes et tous. Il paraît nécessaire de se questionner sur qui l’on est, d’où l’on vient et de ce que ça implique en voyage.
- Nous défaire des préjugés que l’on porte sur le monde. Avant de partir, on a souvent des représentations fantasmées des lieux, des gens, d’une culture. Chloé me dit que « les occidentaux ont tendance à mettre les choses et les gens dans des cases ». Il paraît ainsi nécessaire de sortir de nos vérités. De tenter de comprendre la diversité plutôt qu’interpréter selon nos schémas de pensée. Étiqueter, c’est invisibiliser des réalités.
L’anthropologue s’expatrie dans un territoire sur le temps long, en vérifiant au préalable que la communauté rencontrée consent à l’accueillir. Pour avoir la compréhension la plus fine de ce qui se joue dans le territoire, des vécus, croyances et cultures, cette personne s’immerge dans les réalités locales : elle écoute, observe, apprend. Elle accepte de ne pas comprendre tout de suite les différences. C’est souvent au moment où elle commence à s’ennuyer qu’elle voit des choses qu’elle n’avait pas perçues auparavant.
Vivant au rythme des locaux, et investissant des espaces hors des sentiers battus, elle développe des relations authentiques et horizontales, hors des rapports de domination. Cela passe par une tentative de détachement des relations commerciales et capitalistes.
Et si le voyageur ou la voyageuse s’inspirait de ces postures pour développer des rapports plus égaux et plus respectueux du vivant, humain comme non humain ?
Antoine a voyagé en s’emparant de certaines de ces postures. Il a fait le choix de prendre le bus car c’est le mode de déplacement privilégié par les populations locales. Il voulait être proche des gens.
Antoine logeait chez l’habitant. Il privilégiait notamment les wwoofing et workaway : être logé et nourri en échange d’un travail sur quelques heures de la journée. Il s’est faufilé quand c’était possible entre les relations marchandes :
« Ça m’a amené à faire de super belles rencontres : à donner des cours de guitare à des enfants, à faire des petits échanges contre un repas en famille; dans un quartier dans lequel j’aurai jamais été s’il était question de faire du tourisme».
Antoine donnant des cours d’anglais aux enfants de la communauté
Rejoins le mouvement !
Ces deux épisodes sont une invitation à une prise de recul sur soi et sur le monde. Une invitation en deux temps :
- Un temps avant-voyage dans lequel on va poser les intentions de son voyage (pourquoi partir ? Pourquoi avoir choisi cet endroit spécifiquement ? Qu’est-ce que je souhaite y découvrir ? Pourquoi ce mode de voyage plutôt qu’un autre ?) et s’emparer de la réflexion anthropologue (quels sont les préjugés que j’ai sur ce pays ? Quelle est son histoire ? Quels sont mes privilèges ? Comment j’envisage de rencontrer ? Comment puis-je sortir d’une relation dominante ?).
- Le temps du voyage dans lequel on pourra s’outiller de certaines postures anthropologiques pour voyager différemment et mieux respecter le vivant : observer, écouter, apprendre de l’autre. Cultiver l’empathie et une certaine humilité. Profiter de l’instant présent.
Le voyage à impact positif, en reprenant les enseignements de l’anthropologie, propose donc une certaine temporalité : celle du temps long ; et un certain tempo : celui du voyage lent.
Tu souhaites approfondir ces apprentissages et/ou tu t’apprêtes à te lancer dans un voyage engagé ?
Alors peut-être que la philosophie du Voyage à Impact Positif transmise au sein de Vaya Campus est faite pour toi ! Chloé dispense dans ce cadre une série de cours sur « l’anthropologie en voyage » que tu peux aussi suivre en audition libre.
Faisons du voyage un outil pour se reconnecter au vivant et agir ensemble !
Anthony CHAMBE
Animateur du podcast "De Vives Voies"
Pendant 4 ans, j’ai accompagné des dizaines de projets de voyage engagé avec On The Green Road.
Je te les fais découvrir dans ce podcast !
« De Vives Voies » questionne le sens du voyage et définit ses existences désirables dans un monde socialement juste et écolo.
Suis mes aventures et les coulisses de chaque épisode sur Instagram et sur Linkedin.