Dès le lancement de nos programmes événementiels lyonnais en 2018, nous avons voulu recréer du lien avec nos aînés autour des thématiques de la transition écologique et sociétale portées par nos voyageurs et voyageuses engagés.
Intégrés tantôt aux voyages locaux, interviewés parfois par nos Reporters de Quartiers, les séniors, en suivi médical ou autonomes, en EHPAD ou en totale indépendance, sont présents dans nos actions et permettent ce lien intergénérationnel essentiel à la transition de nos esprits, de nos modes de vie et de notre société.
La transition sera intergénérationnelle ou ne sera pas !
Dans le cadre du programme Reporters de Quartiers, à destination des jeunes avec moins d’opportunités dans les quartiers défavorisés de la Métropole, nous affirmons que la transition doit être inclusive, ou alors elle ne pourra pas avoir lieu. Nous déclinons cette conviction à l’inclusion de toutes les générations dans notre programme Les Temps du Voyage.
Une anecdote assez emblématique de l’importance de recouper nos engagements avec l’expérience de nos aînés remonte à une intervention dans l’EHPAD St François d’Assises, à Lyon 1er : quand une de nos Eplor’actrices a parlé de la démarche zéro déchet à cette assemblée de plus de 70 ans, le public lui rétorqua que « les écolos d’aujourd’hui n’ont rien inventé » car, dans leur jeune temps, on déposait la bouteille de lait devant la porte pour qu’elle soit remplie par le laitier tous les matins, on emballait le poisson et la viande dans le papier journal de la veille (lequel servait même parfois à d’autres usages moins nobles dans la cabane au fond du jardin…), etc.
Eh oui ! C’était avant le tout-plastique et le tout-jetable. Et si l’auteur de la BD humoristique et satyrique Les Vieux Fourneaux Wilfrid Lupano fustige « les vieux » à travers le personnage d’une jeune femme future maman, il faut bien voir que de nombreuses luttes contre ce système destructeur ont émaillé leur vie à eux aussi, et que les reproches qu’on peut leur faire parfois n’ont que le mérite de mettre en perspective ceux que pourront nous faire les générations futures.
Des rencontres Explor’action dans les résidences
Grâce au soutien d’organismes comme AG2R La Mondiale ou la Conférence des Financeurs de la Métropole de Lyon, nous organisons des cycles de rencontres au plus près des séniors, dans les résidences et EHPAD, avec des membres de notre communauté de l’Explor’action.
L’objectif est de créer des espaces d’échanges autour des thématiques portées par nos voyageurs et voyageuses accompagnés, et d’aider à la compréhension des enjeux actuels de la transition.
Les points de vue se confrontent, les témoignages affluent… et les questions sont parfois déconcertantes.
« Mais où avez-vous trouvé l’argent pour tous ces voyages ? » – ce qui permet d’introduire l’idée que le voyage peut ne pas coûter cher, surtout s’il est lent, éco-responsable et ouvert à la rencontre.
« Avez-vous déjà été contrôlé fiscalement dans votre association ? » nous avait même demandé un avocat des affaires à la retraite après une présentation de On The Green Road.
Quant à nos intervenantes et intervenants, présenter leur expérience de voyage devant des séniors leur demande parfois un peu d’adaptation : pas de contenu vidéo de plus de 10 minutes, parler fort, poser des questions pour un maximum d’interactions… Une gymnastique qu’ils ne regrettent absolument pas par la suite :
« Cela m’a forcé à voir mon projet sous un autre angle, à me poser encore plus profondément la question de l’impact que peut avoir le partage de mon expérience » nous confiait l’Explor’actrice Lola Keraron du projet PAMacée, partie au Cap Vert en voilier sur le thème des plantes médicinales et aromatiques. Elle a proposé une reconnaissance des plantes par le toucher et l’odorat avant d’en déguster certaines en tisanes à la fin de sa présentation.
Ci-dessous une vidéo montrant l’impact d’une intervention en EHPAD du projet Direction Népal, auprès des parties prenantes.
« On touche vraiment à des sujets de fond »
Vivre à la Bonheur ! C’est le nom d’un groupe d’Explor’acteurs et d’Explor’actrices partis interroger la notion de bonheur en France et au Maroc, en tandems et rosalies. Même l’animatrice de la résidence ne s’attendait pas à ce que les échanges soient si honnêtes et profonds, quand une résidente de 82 ans a lancé le sujet : « Le bonheur ? On a bien dû revoir notre définition en entrant en EHPAD ; certains n’ont pas choisi d’être ici… »
Mais l’Explor’acteur qui animait cette rencontre était confiant : « Grâce à l’angle du voyage et par le biais de nos interviews, on arrive à créer un espace bienveillant d’expression et de non jugement. »
Et l’animatrice locale d’abonder : « J’ai été vraiment touchée par le témoignage de Madame L. qui souffre de sclérose en plaques, quand elle a dit que sa vie avait changé à partir du jour où elle ne voyait plus sa maladie comme un objet de lutte mais comme quelque chose faisant partie de sa vie, et qu’elle serait désormais jusqu’à la fin. Jamais elle ne s’était confiée ainsi auparavant. »
Clara, animatrice de la résidence UNIVI, appuie sur les avantages des interventions On The Green Road : de nombreux sujets sont anxiogènes pour nos résidents, comme le manque d’eau, mais les Explor’acteurs présentent toujours des solutions inspirantes. Cela leur permet aussi de se déculpabiliser, là où le discours ambiant est plutôt de dire que la situation actuelle est de la faute de leur génération. Enfin, j’ai entendu de nombreuses participantes me dire qu’elles se sentent valorisées dans leurs connaissances, leurs expériences, et cela ça compte beaucoup à leur âge.
La reconnexion à soi, à l’autre, au Vivant
C’est à travers des expériences en extérieur que les échanges intergénérationnels sont souvent les plus riches. Dans une collaboration avec l’association Nature & Sens, nous avons proposé ce mois-ci une sortie sur le thème de la mémoire, en invitant les résidents les plus autonomes de nos partenaires séniors, le café Chez Daddy et la résidence de Val Foron.
C’est ainsi qu’un groupe d’une quinzaine de personnes, de 22 à 82 ans, a pu se mettre dans l’ambiance de l’automne par la contemplation du parc de la Tête d’Or, l’écoute de chants et de poèmes. Puis des temps d’échanges et d’écriture étaient proposés par petits groupes intergénérationnels. Ce qui a permis à Jean-Luc de nous raconter une expérience de chute d’un arbre lors d’une promenade en forêt de Fontainebleau, ou à Guy de nous parler de sa Bretagne natale et de rappeler que « quand on vieillit, les souvenirs d’enfance font référence. »
Conclusion : ces liens qui libèrent
Il y a quelque chose d’apaisant à passer du temps avec des gens d’un âge très éloigné du nôtre, que ce soit des jeunes enfants ou des personnes âgées. Peut-être parce qu’elles représentent le passé et l’avenir pour toute cette génération de 18 à 45 ou 50 ans qui s’engage dans la transition et ne résiste pas toujours à l’entre-soi.
Mais notre programme Les Temps du Voyage a bien montré que l’ouverture est une richesse, et qu’on ne bâtit vraiment un engagement voire une lutte qu’en confrontant nos visions, à travers les âges et donc, en quelque sorte, à travers le temps.
En nous faisant prendre conscience de notre héritage et de ce que nous allons nous-mêmes transmettre, ce sont des liens qui nous libèrent et nous responsabilisent.