Pour enregistrer une voix-off de documentaire, pas besoin d’être un grand acteur chevronné, ni de s’enfermer dans un studio high-tech insonorisé. Non, il suffit juste de suivre quelques conseils.
Alors que je travaillais à la réalisation du documentaire On The Green Road, avec de petits moyens, je me souviens que ça m’avait tétanisé. Comment les faire, moi qui ne connaissais rien, n’avait pas de matos ? On m’avait conseillé de louer un studio, voire de faire appel à une « voix », un acteur professionnel, qui remplacerait avantageusement ma voix incertaine. J’avais instinctivement refusé, trouvant que le résultat serait peu authentique et malvenu. J’avais vécu l’aventure, c’était à moi de la conter, pour qu’elle sonne juste, et même si cela présentait des difficultés.
Heureusement, un ami conteur (Olwen Chorlay pour le citer) m’avait prodigué quelques conseils simples d’oralité. J’ai pu les expérimenter ces 10 dernières années, pour le documentaire On The Green Road maintenant sorti et projeté plus de 400 fois (et ce malgré des erreurs que je trouve maintenant grossières au niveau de sa voix off, comme l’enregistrement depuis un portable, dans depuis des pièces acoustiquement très différentes) ou pour d’autres projets, et les agrémenter de quelques considérations techniques.
Voici ces 10 conseils :
1 – Choisir un enregistreur qualitatif, autant que possible, et le tester en amont. Celui-ci peut être d’une marque connue (Zoom par exemple) ou moins connue. Vous pouvez facilement l’emprunter à des amis musiciens, journalistes, sociologues, acteurs, etc. (et bénéficier de leurs bons conseils d’utilisation) ou trouver un moyen de le louer. En dernier recours, votre portable fera l’affaire, même s’il sera probablement moins qualitatif (c’est tout de même sa fonction première de capter le son. Mais il le fait de manière limitée, enregistrant dans des formats souvent compressés). Votre caméra ayant servi aux tournages terrain, avec son micro-cravate peut aussi être envisagée, même si c’est une solution un peu lourde, en terme de mémoire ;
2 – Privilégier un lieu où l’on est seul.e (on est souvent plus à son aise ainsi), avec aucun bruit gênant en fond, ni vent venant frapper le micro (pièce fermée). On évitera cependant les pièces trop petites ou peu meublées où il y aurait un écho ;
3 – Poser l’enregistreur devant soi, sur un meuble, à hauteur de visage, et poser en guise de prompteur son ordinateur (ou son papier) avec le texte bien lisible à bonne hauteur (niveau du visage ou un peu en dessous). Cela permettra d’enregistrer debout, avec la voix qui porte vers le lointain, la cage thoracique grande ouverte ;
4 – Enregistrer phrase par phrase si on le souhaite, ou grand paragraphe par grand paragraphe. Enregistrer pour chaque ensemble plusieurs tentatives (on selectionnera la meilleure au montage) et sans couper le micro entre temps, pour éviter les manipulations audibles de l’appareil. Ces enregistreurs sont très sensibles, le moindre frottement de la main dessus s’entend, et rend la voix auquel il se superpose inutilisable ;
5 – Être vigilent à rester à distance égale du micro, à garder un volume relativement constant de voix (ce qui n’empêche pas de changer sa tonalité, comme on le verra ensuite), et à rester en dessous du volume de saturation de votre enregistreur (selon les réglages) ;
Toutes les erreurs à éviter pour une voix off : changer de Distance, faire saturer, toucher l'appareil, ...
6 – Ne pas hésiter à multiplier les tentatives, avec des intonations différentes, des accroches plus ou moins marquées, des variations de textes (légères improvisations). Si le texte ne convient pas, si l’on accroche toujours sur la même tournure, c’est qu’il faut le modifier, pour trouver une tournure plus orale, plus naturelle, qui nous convienne mieux : tenter de prendre une courte pause alors, pour réécrire la portion problématique, sans pour autant tout changer dans le texte ;
7 – Tenter de vraiment vivre le texte, entrer dedans, imaginer les scènes desquelles on parle, les faire vibrer (quitte à se donner l’impression d’en faire trop) ;
8 – Alterner voix de cœur (parler avec les tripes, depuis le ventre) quand on parle d’un ressenti, d’une surprise, d’une émotion, et voix de tête (parler avec la tête, avec moins de coffre, en étant dans ses pensées) quand on raconte quelque-chose, quand on cite des anecdotes, décrit un paysage, etc. ;
Alterner voix de cœur et voix de tête
9 – S’exprimer comme si l’on parlait à un public dans une salle, et donc faire porter sa voix, même si dans la réalité on est tout.e seul.e dans une petite salle. Ceci permet aussi d’ajuster sa narration pour captiver son public imaginaire, et de mettre une pointe de sourire dans sa voix, comme lors d’une interaction classique ;
10 – Ne pas hésiter à prendre des temps de pause quand on s’épuise, quand on n’a plus le tonus, et à boire un verre d’eau ou de kéfir … avant de s’y remettre (car il faut un peu se challenger pour réussir à aller au bout d’une telle entreprise, tant il y a des prises répétitives, et tant le résultat est lointain, et donc la récompense immédiate faible !)
Maintenant, c’est vous de jouer !
Et si vous souhaitez approfondir ces sujets, prendre les outils en main, apprendre en faisant (et même si vous n’y connaissez encore rien !), nous vous conseillons de venir passer une journée avec nos formateurs, qui vous proposent de partager convivialement leurs savoirs sur :
– le podcast et la captation audio
Elles ont lieu régulièrement, à Lyon (et parfois en visio) : inscrivez-vous au plus vite !
Siméon Baldit de Barral, co-fondateur de On The Green Road