Comment se réapproprier sa santé avec les plantes médicinales ?

Une web-série sur des êtres vivants aux pouvoirs incroyables, des savoirs ancestraux oubliés, des métiers disparus, des pratiques ancrées dans la nature et une ressource menacée ? C’est le but du projet PAMacée, créé par Anne et Lola, deux étudiantes ingénieures à AgroParisTech.

Pendant 6 mois, nous allons aller à la rencontre d’un ensemble d’acteurs du monde des plantes médicinales (producteurs, cueilleurs, guérisseurs, chercheurs, herboristes, hommes politiques, etc.) dans le but de réaliser une série de courts reportages vidéo.

Au travers de nos deux voyages, en Europe occidentale et en Afrique d’Ouest, nous cherchons à mettre en parallèle différents rapports à la santé et aux plantes. Mais pour promouvoir la connaissance et la préservation de cette ressource naturelle, nous tenons à être cohérentes. Que ce soit pour voyager en Europe et se rendre au Sénégal, nous ne prendrons pas l’avion. À la place, l’auto-stop et le bateau-stop à bord d’un voilier transformera notre rapport aux voyages et aux pays traversés. Le voyage devient aventure.

Notre objectif est d’interroger sur notre autonomie en matière de santé et de favoriser la réappropriation des savoirs et des usages liés à des plantes médicinales, dans une perspective de résilience locale.

Ce documentaire sera aussi l’occasion d’alerter sur la perte de connaissances autour des plantes médicinales et sur les menaces pesant sur la ressource face à la demande croissante de produits naturels.

La genèse du projet ?
« L’Artemisia annua.

C’est cette plante qui m’a fait réaliser le potentiel sous-estimé des plantes médicinales. Alors que les vaccins contre le paludisme sont inefficaces, que les insecticides détruisent la santé des hommes et l’environnement, que les médicaments sont lourds en effets secondaires et que les résistances se développent, il existe une plante qui prévient et soigne cette maladie : l’Artemisia annua.

Pourquoi cette plante est-elle si peu connue, alors qu’elle guérit une des plus grandes pandémies au monde ? Pourquoi n’y a-t-il aucune recherche publique sur les vertus de l’Artemisia ? Pourquoi l’OMS déconseille l’utilisation de cette plante ? Pourquoi est-il illégal d’acheter cette plante en France ?

Je découvre les enjeux autour des plantes médicinales : la disparition du diplôme national d’herboriste, le monopole pharmaceutique, les difficultés des financements d’études scientifiques, etc. Je suis révoltée et passionnée. Alors que je souhaite approfondir ces questionnements pendant mon année de césure, j’apprends qu’Anne monte un projet sur les plantes médicinales. Nous nous appelons…

La préservation de la ressource naturelle et des savoirs traditionnels. L’Europe occidentale et l’Afrique de l’Ouest. Nos approches sont complémentaires. C’est une évidence : nous devons mener un projet ensemble.

Le projet PAMacée est né. »

Lola

Lola, sur l’une des îles de l’archipel du Cap-Vert

Pourquoi un documentaire sur les plantes médicinales ?

L’urgence des crises environnementales, sanitaires et sociales actuelles exige un changement profond de nos modes de vie. Alors que des alternatives en matière d’alimentation, d’énergie, de mobilité ou encore d’habitat se développent pour aller vers des sociétés résilientes, un secteur peine encore à être pris en considération : la santé.

Il nous semble fondamental de questionner ce sujet sensible qui touche l’ensemble de la population. S’il paraît étrange de se soigner avec des plantes aujourd’hui en Europe, les propriétés thérapeutiques des plantes étaient jusqu’à encore un siècle une évidence. Malgré les vertus incroyables et scientifiquement prouvées de nombreuses plantes médicinales, la phytothérapie n’a pas sa place dans notre système de santé français.

Qui en France connaît les vertus des plantes qui poussent devant chez lui ? Qui sait faire des tisanes pour se soigner des maux les plus quotidiens ?

Nous ignorons les plantes qui poussent devant chez nous, et nous savons encore moins les utiliser. Chacun gagnerait à redécouvrir cette ressource naturelle au potentiel inestimable.

Toutefois, face à la hausse de la demande en produits naturels, nous devons aussi préserver cette ressource fragile et menacée de façon urgente. Finalement, à travers les plantes médicinales, c’est la réappropriation de sa santé que nous cherchons à encourager. Inciter chacun à se responsabiliser et retrouver de l’autonomie en matière de santé.

 

Plante kalanchoe daigremontia

 

“Une phrase m’avait marquée lors de mon premier séjour au Sénégal : 

« Ici, toutes les plantes ont une utilité ».

Alimentaire, agronomique, médicinale, spirituelle, une chose est évidente pour les Sénégalais : les plantes ont toutes des vertus, et les hommes en dépendent.”  

Lola

A présent, à quelle étape de votre voyage vous situez-vous ?

Anne

Pour ma part, je suis encore en phase de préparation. Je m’occupe principalement de la prise de contact avec les acteurs et de la communication sur les réseaux sociaux pour diffuser notre projet. Je dois encore me former à l’audiovisuel de terrain grâce à On The Green Road.

Le départ, en direction de Montpellier, est prévu pour le 6 Avril. Je rencontrerai des ethnobotanistes, producteurs, particuliers et praticiens dans toute la région Sud Est de la France.

La situation particulière de l’Europe (et de la France) à cause de l’épidémie de coronavirus amène certaines incertitudes quant à la suite de mon périple. Initialement, je voulais atteindre la Suisse en début mai. “Malheureusement”, j’ai cette année un statut étudiant et mon école m’interdit tout déplacement hors de la France métropolitaine jusqu’à nouvel ordre. Même si je suis prise au dépourvu, je serai tout de même ravie de parcourir la France et faire un bilan plus poussé de la situation si l’interdiction de voyager à l’étranger persiste. Je vais donc envisager un “itinéraire de secours” se limitant à la métropole.

Dans tous les cas, j’ai hâte de commencer mon itinérance !

 

Lola

Depuis maintenant 3 mois, je vis et navigue sur des voiliers pour rencontrer des personnes qui connaissent les plantes médicinales. Ma destination initiale : le Sénégal.

Mais le bateau-stop est plein de surprises et pour la troisième fois, le départ pour Dakar est annulé. L’imprévu fait partie du voyage.

Heureusement, l’enquête sur les savoirs et la préservation des plantes médicinales est infinie. Navigation, cueillette et séchage de plantes médicinales, identification ethnobotanique, lecture d’articles scientifiques, entretiens sociologiques, journalisme et apprentissage du portugais et créole : PAMacée demande d’être polyvalent ! Je rentre de 10 jours d’immersion dans un lieu paradisiaque : Santo Antao, l’île de l’agriculture du Cap-Vert. Après être allée chercher des plantes depuis le fond des vallées jusqu’aux sommets les plus inatteignables, je connais désormais plus d’une cinquantaine de plantes, dont une quinzaine de plantes endémiques, utilisées traditionnellement pour prévenir et soigner des problèmes de santé.

Parmi elles, une plante médicinale bien connue et particulièrement remarquable, pousse aussi bien aux Canaries qu’au Cap-Vert. Si aux Canaries, elle est utilisée pour des produits cosmétiques pour son action bénéfique pour la peau, je découvre des formes d’utilisation au Cap Vert. Traditionnellement, les feuilles séchées d’Aloe sont utilisées en tisane et le liquide jaune contenu dans ces feuilles est consommé sous forme de “pirula” pour ses propriétés purificatrices et amincissantes. Les vertus de cette plante sont tellement nombreuses, et loin de se limiter à ses propriétés pour la peau qui sont les plus connues en Europe.

Plantations d’Aloe Vera à Orzola, un village de l’île de Lanzarote

Le pouvoir des plantes ne s’arrête pas à la santé de l’homme : des plantes qui repoussent les insectes, ravageurs de cultures ou vecteurs de maladies infectieuses à la place des insecticides chimiques, des plantes qui soignent les animaux ou d’autres plantes à la place des pesticides, … ! Le potentiel des plantes est si grand, mais si peu connu.

La suite du projet est encore à écrire : vais-je trouver un bateau pour Dakar ? céder à la tentation de traverser l’Atlantique pour le Brésil ? Ou rester à jamais profiter de la tranquillité du Cap Vert. J’ai abandonné les plannings. PAMacée se dessinera au fil de mes rencontres. Dans tous les cas, les îles du Cap Vert avec la richesse de sa flore endémique sont un terrain d’enquête passionnant.

PAMacée – Lola Keraron et Anne Ratsimba

Adresses mail : lola@pamacee.org / anne@pamacee.org

Site internet : http://pamacee.org/

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