Avec cette nouvelle année qui commence, On The Green Road s’interroge. Notre résolution ? Se remettre en question ! Pour sensibiliser le plus grand nombre de citoyens, l’audiovisuel est au cœur de nos actions. Partagée entre outil de changement qui déclenche des initiatives et impact écologique du numérique, notre réflexion est importante. Quels enjeux se cachent derrière cette nouvelle révolution informatique que nous connaissons ? Pouvons-nous compenser notre impact à notre échelle ? Ce sont autant de sujets autour desquels nous avons pu échanger lors d’une table ronde organisée à la Maison de l’Environnement de la Métropole de Lyon.
Nous recevions…
– Alexandre Maurin, co-fondateur et co-dirigeant de la start-up M². Son objectif ? Tous nous réconcilier avec l’informatique en nous orientant vers des modes de consommation numérique alternatifs et durables. Et bien sûr lutter autant que possible contre l’obsolescence programmée !
– Charly Hopp, président de l’association I-boycott mais aussi ancien commercial d’AMD et Microsoft. Ses expériences professionnelles lui ont donné un savoir précis sur les techniques utilisées par ces entreprises pour éviter la réparation des appareils électroniques mis sur le marché.
– David Maenda Kithoko, président de l’association Génération Lumière. Son association sensibilise en France aux conséquences de l’extraction de minéraux en République Démocratique du Congo (RDC), utilisés pour la fabrication de nos appareils électroniques. De plus, elle intervient sur place en organisant des collectes de déchets.
Astrid, étudiante à l’école de commerce 3A, ayant effectué un stage au sein de On the Green Road, et maintenant bénévole, modérait et animait la riche discussion.
Venons-en aux faits : aujourd’hui, pour mener à bien la fabrication d’un appareil électronique, de nombreuses étapes d’assemblages entrent en jeu. Nous pouvons en distinguer deux catégories :
– le software qui correspond aux logiciels utilisés pour faire fonctionner l’appareil,
– puis le hardware, qui regroupe l’équipement matériel utilisé pour constituer le produit.
Avec le Cloud (“nuage” de données que l’on stocke en ligne), le premier a fait parler de lui ces derniers temps… Nombre d’utilisateurs pensent maintenant à nettoyer leur boîte mail, à regarder moins de vidéos en ligne, évitant les stockages sur des serveurs énergivores… Efforts louables, mais ne serait-ce pas que la face visible de l’iceberg ? interroge Alexandre, fort de son expérience chez M². Les études sur le sujet sont encore imprécises, et ont des périmètres variés. Semble pourtant s’en dégager un fait : bien plus de la moitié de l’empreinte carbone du numérique viendrait du hardware. Et on oublie finement de le mentionner…
Ce n’est pas tout ! Car certaines choses passent dans l’ornière des outils de mesure carbone. Ainsi, le coltan et le cobalt, minéraux rares très utilisés dans la fabrication d’appareils électroniques, suscitent de nombreux conflits en RDC. Le pays a connu de très sombres périodes de guerre pour ces ressources. Car pour obtenir les précieux minerais à bas prix, la déstabilisation de la région était de mise, avec ses tristes conséquences : soutien à des groupes armés multiples, déforestation massive, utilisation du viol comme arme de guerre… et 6 millions de morts en 17 ans !
David fait partie des exilés. Suite à des prises de consciences, la situation du pays s’est améliorée. Mais la présence grandissante de la Chine sur ce marché est une nouvelle menace. Et avec l’intensification de la demande, les multinationales sont déterminées à obtenir ces minerais à tout prix. Même au prix d’un écocide, dans la deuxième plus grande forêt de la planète. L’emploi du terme vous semble abusif ? Pourtant, chaque année, le pays perd environ 500 hectares de cette forêt incroyablement riche en biodiversité pour cette exploitation.
Et ceci n’est pas le fruit du hasard, nous rappelle Charly, mais celui d’un système bien rodé ! De nombreuses marques développent en effet des stratégies pour alimenter la société de consommation. La principale est l’obsolescence programmée. Cette dernière s’est construite au fil du temps et est désormais ancrée. Elle se matérialise par des montages ou des logiciels conçus pour générer des lenteurs, des faiblesses rapides de batteries, ou des crashs du système. Vous voulez alors changer votre produit et ces marques réalisent leur profit. Pas facile à avaler quand on sait que le composant électronique de base est fiable dans 95 % des cas avant assemblage…
Qu’importe, vous dites-vous. Votre appareil suit finalement son cycle de vie : après l’extraction de minerais rares, sa production, et son utilisation par le consommateur, il va être recyclé ! Enfin… il n’est pas certain que ce soit le terme adéquat lorsque l’on sait que nos déchets électroniques sont souvent envoyés en Afrique, au Ghana par exemple, où ils finissent par polluer les rivières…
Vous l’aurez compris, le constat est sombre, et dans le domaine, tout reste à faire. Que peut-on face à de telles réalités, qui semblent s’amplifier à une vitesse galopante, sans qu’aucun des acteurs concernés fassent un pas de côté ? Sur ce point, les acteurs de notre table ronde sont unanimes : à notre échelle, nous pouvons agir ! Et ce à plusieurs niveaux :
- En réparant, plutôt qu’en remplaçant :
À Lyon, nous disposons par exemple, d’un Repair café et d’un atelier de réparation électronique, L’Atelier Soudé (4 rue Saint Claude, 69001 Lyon / 1 rue du Luizet 69100 Villeurbanne). Les amis parisiens pourront aussi, tout comme nous, bénéficier de l’expertise de M² et ses “Fastech”, diagnostiques logiciels et matériels pour booster votre ordinateur ! Lui redonnant une jeunesse, vous n’aurez plus besoin de le remplacer. - En recyclant ce que l’on ne peut pas réparer, en donnant vos appareils usagés à des structures solidaires, tel Emmaüs Connect (104 route de Vienne 69008 Lyon)
- En achetant d’occasion ou reconditionné, notamment sur Back Market.
- En pensant l’acte d’achat au plus juste, au plus durable. En effet, alors que ce modèle repose sur une course à la performance (la fameuse loi de Moore) sans limites, 80 % des personnes utilisent moins de 40 % des capacités de leur machine. Alors, tentons de décélérer, de choisir les appareils les plus ajustés à nos besoins, ceux qui dureront longtemps. Au lieu de céder au geste compulsif de l’achat, tournons 7 fois notre cerveau dans notre crâne, pensons aux impacts négatifs, mais aussi à ce que nous pourrons faire de positif avec ces outils, soupesons ceci, demandant si besoin un conseil à un ami…
Enfin, regardons aussi le versant positif du numérique ! Comme le rappelle Charly, aussi réalisateur de vidéos engagées, l’impact de celles-ci peut être énorme, notamment quand elles permettent une prise de conscience et des changements de comportement bénéfiques pour l’environnement et l’humanité.
De plus, l’informatique a permis l’émergence d’un immense espace de partage. L’information y circule relativement librement. Il en ressort les notions d’intelligence collective, d’esprit de coopération, d’une communauté qui partage ses découvertes. Ce sont même les valeurs fondamentales de l’open-source. Ces logiciels issus de la co-construction de codes sources et d’une co-surveillance de la part d’anonymes créateurs du monde entier sont utilisés par des milliards d’utilisateurs. Un modèle généreux et coopératif qui laisse rêveur, et ne manquera pas d’inspirer le monde à venir !