Un contexte confus
Cette semaine, certains journaux titrent sur la fameuse « Charte de Metz » que tous les pays présents ont ratifiée, mettant en avant la capacité rassembleuse des négociateurs face au scepticisme de la délégation états-unienne, sans supposer le fait que cette charte a justement dû être négociée à la baisse pour que tout le monde y appose son seing. Elle a notamment réservé un paragraphe aux États-Unis qui affirment « leur ferme volonté de promouvoir la croissance économique, la sécurité et l’accès énergétiques et la protection de l’environnement », car personne ne leur expliqué, même à l’occasion du G7 Environnement, que les centrales à charbon n’étaient pas les plus écologiques. D’autres publications mettent davantage l’accent sur « l’affligeant écart entre le discours et les actes » en matière de préservation de la biodiversité, fustigeant un exécutif mondial « qui agit à contresens ».
Il faut s’étonner en effet de ce que, dans la tête de ces dirigeants, et malgré les appels de plus en plus fréquents, fondés, bruyants, à changer radicalement de modèle, la croissance reste associée à la sécurité et au confort financier, alors qu’elle est aujourd’hui aux antipodes de la survie naturelle de notre maison commune. Au moment où le groupe d’experts de l’ONU sur la biodiversité (IPBES) publie le constat le plus accablant sur le déclin « sans précédent » de la diversité des espèces et prévoit l’extinction prochaine d’un million d’espèces, soit une sur huit, animale comme végétale, Médiapart dénonce le projet du gouvernement français de court-circuiter le Conseil national de la protection de la Nature (CNPN), formellement consulté avant tout projet d’aménagement industriel, pour les futures constructions.
« … la croissance telle qu’elle leur rapporte sécurité et soutien financier aujourd’hui est aux antipodes de la survie naturelle de notre maison commune. »
Beaucoup d’éléments contradictoires parus ces jours-ci, donc, où l’on entend toujours, sur fond de campagnes pour les élections européennes, parler à la fois de sécurité, d’emploi d’abord, de migrations humaines… et de la catastrophe climato-sociétale imminente qui semble ne recouper aucun des autres sujets.
On The Green Road tenait un stand sur le village éco-citoyen du G7 Environnement, précédent l’arrivée des représentants étatiques dans la préfecture mosellane. Voici quelques réflexions sur une rencontre internationale entre discours au sommet et échanges en marge, entre paroles sous les projecteurs et bons mots citoyens.
Toutes les couleurs du village éco-citoyen
Sacrée diversité d’acteurs, ce vendredi après-midi, sous le soleil intermittent du parc Jean-Marie Pelt de Metz. Nous occupons un stand entre les produits éthiques d’Artisans du Monde et le système d’autopartage de Citiz, juste en face de l’association au nom compliqué qui dénonce l’épandage aérien de métaux dans les trainées d’avions par des sociétés secrètes interétatiques de géo-ingénierie.
Non loin, la fanfare ambulante ponctue le discours du collectif « Stop Knauf » qui lutte contre l’installation d’une usine à charbon de production de laine de verre, installée près de Thionville malgré la volonté des habitants du village voisin et le plan local d’amélioration de la qualité de l’air…
Mais ceux qu’on entend le plus, et qu’on voit bien sûr le plus, et pour cause, ce sont les Gilets Jaunes qui, quelques stands plus loin, scandent leurs chansons et slogans où le nom de « Macron » revient à peu près tous les six mots.
Nous étions plus étonnés encore de voir le premier restaurateur universitaire français occuper un stand, dont les millions de repas quotidiens ne participent guère à la transition écologique, au développement des circuits courts, à l’agriculture biologique ou à la réduction des déchets.
Mais la ville de Metz a voulu faire preuve d’ouverture, et les quelque 95 organisations trouvent finalement leur place parmi les petites tentes blanches du village éco-citoyen du G7 Environnement.
Entre les produits éthiques d’Artisans du Monde, l’autopartage de Citiz, les banderoles anti-nucléaire et les Gilets Jaunes… « sacrée diversité d’acteurs » sur le village éco-citoyen.
Après quelques échanges avec des représentants de ce fourmillant florilège, nous nous rendons compte que l’engagement pour la transition écologique et sociétale peut prendre bien des formes différentes à l’échelle d’une nation. Pour notre association, cet engagement est synonyme de changement de mode de consommation, de déplacement, de vision du monde, de modèle politique, bref, de vie. C’est notamment ce que nous étions venus présenter sur ce village éco-citoyen.
Pour d’autres, cependant, il s’agit davantage de partir des modèles existants et de trouver des compromis, faire des petits pas, voire de laisser faire l’innovation technologique et le génie humain. Pour d’autres encore, le cœur du problème est laissé à l’écart et il suffirait d’arrêter les trainées d’avion dans le ciel pour rétablir le climat !
Cet événement est en tout cas pour nous, simples représentants associatifs, une véritable ouverture sur de multiples façons de traiter le même sujet qui nous tient tous à cœur : instaurer plus de justice sociale et d’écologie dans notre société.
Mais si nous étions tous à Metz, c’était d’abord parce que nos dirigeants allaient s’y rencontrer aussi. Quelle est leur façon de traiter le sujet ?
L’écart entre la base et le sommet
Ce que nous constatons à la lecture des différents comptes-rendus et articles sortis cette semaine à la suite de l’événement, c’est qu’il doit être bien plus complexe de faire travailler ensemble des représentants d’États que d’associations.
La difficulté commune réside dans le fait que, partout dans le monde, la problématique du dérèglement climatique est perçue différemment. Quand les Chinois veulent déplacer le problème de la pollution de l’air en-dehors des villes et misent donc principalement sur la voiture électrique, les Tuvaluans voient leurs côtes être grignotées par l’océan saison après saison, les Américains veulent prioriser l’emploi et les Allemands achètent de l’énergie nucléaire aux Français qui veulent arrêter leur production d’ici 2035.
« Il est fascinant de réaliser à quel point cet écart de responsabilités entraine une inertie, voire une inaction, dans la façon d’agir des États démocratiques. »
Bref, c’est un peu comme si les militants de Greenpeace, qui luttent contre l’extraction polluante de métaux rares, devait signer une charte commune avec Tesla, dont les voitures électriques produites à échelle industrielle roulent sur des batteries bourrées de métaux rares aux origines incertaines.
La difficulté supplémentaire pour les ministres vient du fait qu’ils représentent et engagent leur pays, soit plusieurs millions d’habitants. Quand On The Green Road crée un partenariat, cela impacte au mieux une vingtaine de personnes. Quand François de Rugy, ministre français de la Transition écologique et sociétale, déclare qu’ »il y a déjà beaucoup de lois en France et qu’il ne faudrait pas en rajouter pour contraindre les entreprises à réduire leur impact environnemental », cela aura un effet sur des millions de travailleurs et d’habitants.
Il est fascinant de réaliser à quel point cet écart de responsabilités entraîne une inertie, voire une inaction, dans la façon d’agir des États démocratiques.
Les actions « seront efficaces quand les ponts en train de se créer entre société civile, secteur privé et représentants élus seront consolidés. »
Les possibilités d’agir restent larges et accessibles, et seront efficaces quand les ponts en train de se créer entre société civile, secteur privé et représentants élus seront consolidés. C’est pour cela que On The Green Road se réjouit de ce que des ministres de l’environnement du monde ont pu signer une charte commune. À notre échelle, notre association continue de sensibiliser au développement durable par le média citoyen et le voyage engagé auprès d’un public toujours plus large.
Webographie par ordre d’apparition :
https://www.ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment
https://www.raranga.net/single-post/2018/09/24/4a-%C3%89colocrature