Hervé, bénévole au sein de l’association, nous livre son témoignage sur la vie au foyer L’Étincelle, à Lyon. Il nous parle de son quotidien et de l’impact du confinement sur la vie des résidents.

Hervé est résident du foyer L’Étincelle, situé dans le 7e arrondissement de Lyon.

On The Green Road : Comment pourrais-tu décrire ton état d’esprit durant le confinement ?

Hervé : Personnellement, j’ai bien vécu ce confinement après tout le travail de ces deux dernière années. Mais je sens que j’ai besoin d’évacuer cette période car je ne supporte pas d’être enfermé et d’avoir des contraintes. Je préfère vaquer à mes occupations que rester enfermé chez moi.

On The Green Road : Pourrais-tu nous décrire tes conditions
de vie durant cette période (le cadre, l’hébergement, l’alimentation) ?

Hervé : J’ai 85m² pour moi tout seul, j’ai eu la chance d’avoir cet appartement pendant le confinement. J’y suis tellement resté depuis trois mois que je m’y plais maintenant. Avant je n’y restais pas, je ne passais pas de temps chez moi. Avec le confinement, je me le suis beaucoup plus approprié. Ce n’est pas parce qu’il est grand, c’est surtout que je ne fais pas tout dans la même pièce, tout est séparé, le coin cuisine, le coin salon, la chambre. 

On devait déménager en 2024 à Décines, mais le projet est reporté, il a été décalé en 2040 à cause du Covid-19. Au niveau de la nourriture, c’est une société de restauration qui nous fait à manger, pas un cuisiner mais le foyer envisage d’en engager un en septembre.

On The Green Road : De quelle manière cette période a modifié ton mode de vie ?

Hervé : Je fais partie des résidents qui se débrouillent le plus dans le foyer, j’ai un appartement, je prends ma douche seul… donc ça n’a pas tant changé mon mode de vie. Mais les 15 premiers jours du confinement, je ne voulais plus rien faire : je restais couché. Je ne voulais même pas manger, je passais mon temps dans mon lit. Fin mars, je me suis repris en main pour ne pas déprimer. J’ai vu que j’avais quand même des choses à faire, comme voir les autres résidents du foyer par exemple.

On The Green Road : Comment occupais-tu ton quotidien ?

Hervé : J’avais la console vidéo dans ma chambre mais je l’ai rapidement viré parce que ça me prenait une bonne partie de mon temps. Pourtant, je ne jouais pas au jeux vidéo avant, je l’avais déjà mais je l’utilisais pas. Je me suis découvert une passion pour le scrapbooking, alors que je ne suis pas quelqu’un de patient à l’origine ! J’ai fait un scrapbooking pour une amie qui voulait avoir ses photos de famille chez elle. On m’avait proposé ça il y a un an et à l’époque j’avais refusé, mais maintenant j’apprécie.

On The Green Road : De quelle manière as-tu maintenu tes liens sociaux, avec les personnes du foyer et ceux de l’extérieur ?

Hervé : Au foyer, on a la chance d’avoir une adresse mail en commun avec tous les résidents pour ceux qui souhaitent parler de leurs états d’âme. On est plusieurs résidents à la gérer et tous les matins on y mettait tout ce qui n’était pas bien, tout ce qui était difficile à vivre pendant le confinement. En dehors du foyer, j’ai le téléphone, Internet, les réseaux sociaux. Je me suis même surpris à appeler des personnes que je n’avais pas eu au téléphone depuis deux ans. D’une certaine manière, le confinement a renforcé des liens. Par exemple, je m’étais brouillée avec une résidente, maintenant ça va mieux, on s’est un peu rabibochés.

On The Green Road : Selon toi, cette crise a eu seulement des impacts négatifs ? Sinon, quels ont été les aspects positifs ?

Hervé : Les aspects négatifs pour moi sont ceux qui ont eu des conséquences sur ma santé, car j’ai mangé beaucoup plus qu’il ne faudrait pour tuer l’ennui. Pour les aspects positifs, j’ai appris à être un peu plus patient avec Internet, les gens qui ne me répondaient pas. Aussi, avec le confinement, j’ai eu plus besoin d’aide au sein du foyer et je fais un peu plus confiance au personnel maintenant.

On The Green Road : En quoi ton regard sur le monde a pu changer au cours du confinement ?

Hervé : Avec le confinement, j’ai complètement arrêté la chicha. Le confinement m’a au moins servi à ça, à diminuer l’alcool et le tabac. Sinon, l’autre jour, avec un ami du foyer, on est allé jusqu’à la Part-Dieu en fauteuil. On s’est fait peur tous seuls parce qu’il n’y avait personne dans les rues, juste les gens qui allaient au travail, ça nous a paru complètement glauque. En plus, j’ai certaines libertés que d’autres résidents n’ont pas, je peux aller faire des courses (à des heures bien précises) mais j’en abuse pas du tout. Avant, j’étais un gros consommateur de centres commerciaux. La Part Dieu, Confluence, j’adore ça, mais maintenant ça me fait un peu peur, j’y réfléchis à deux fois.

On The Green Road : As-tu été informé d’initiatives positives (solidaires, environnementales…) pendant le confinement ? Si oui, lesquelles ?

Hervé : Grâce à On The Green Road et Internet, j’ai eu des infos. Mais pendant les 15 premiers jours du confinement, je ne voulais plus en entendre parler, je suis resté chez moi, je ne voulais plus allumer ma télé, je ne regardais plus mon téléphone… Je suis impliqué dans le conseil de quartier donc j’ai été informé par message, des élections entre autres. Je devais être assesseur mais comme c’est au mois de juin, je ne sais pas si je pourrais le faire…

On The Green Road : Quelles ont été les difficultés majeures rencontrées par les personnes du foyer ?

Hervé : Il y avait déjà quelques difficultés entre le personnel et les résidents, le confinement a surtout empiré les choses. À partir du 22 mars, on ne pouvait plus manger ensemble dans la salle à manger et ça a bien dégradé l’accompagnement. Ils n’avaient pas le choix mais ça embêtait tout le monde de rester dans son studio.

Pendant le confinement, les résidents du foyer L’Étincelle ne pouvaient plus se réunir, que ce soit pour les repas ou pour discuter.

On The Green Road : De quelle manière ont été pris en charge les résidents ? Quels ont été les changements dans la routine du foyer ?

Hervé : Ici on a chacun notre médecin traitant, on pouvait aussi rencontrer un psy pendant le confinement. Il y a beaucoup moins de personnel qui a été sollicité parce que maintenant (à la fin du confinement du foyer, qui a duré plus longtemps que le confinement national, ndlr) les résidents peuvent vaquer dans le foyer comme ils veulent, ils peuvent aller dire bonjour aux autres résidents, pour éviter que les gens ne dépriment. Certains résidents ont vraiment mal vécu la situation. Les membres du personnel ne prenaient pas conscience que certains n’allaient pas bien. Après, ils ont adapté un peu plus leur manière de travailler dans le foyer. Par exemple, la salle à manger a rouvert – ça a fait un bien fou pour tous les résidents, de tous se revoir -, mais c’est adapté : le service de 11h30 est réservé aux personnes qui ne peuvent pas manger seules, à 12h15 c’est pour les résidents qui se débrouillent.

On The Green Road : Quelles sont tes attentes pour la sortie du confinement ?

Hervé : Aller voir mes amis ! Et vaquer à mes occupations, passer ma journée dehors, c’est surtout ça que j’attends. Fini l’ordinateur, je vais vraiment être content de pouvoir reprendre ce que j’avais commencé au mois de mars. J’avais demandé à la ville pour qu’ils nous envoient des masques mais ils sont trop petits… Un médecin va donc nous prescrire des masques comme il faudra qu’on en porte pour sortir. Je vais avoir du mal à m’habituer mais je vais bien être obligé.

On The Green Road : Serais-tu favorable à un retour à la normal ou envisagerais-tu l’écriture d’un nouveau récit ?

Hervé : Hier, j’ai regardé un reportage télé sur National Geographic. C’était sur la pollution marine et les masques qui atterrissent dans les océans… Espérons que ça ne va pas continuer, mais je suis sorti hier pour aller rapidement à Super U et j’en ai vu deux par terre… c’est irrespectueux des soignants. Je ne suis pas le bon exemple pour la consommation parce que je suis habituellement malheureux quand je ne consomme pas. Mais, pendant le confinement, j’ai beaucoup moins consommé et je ne m’en suis pas porté plus mal. J’espère juste que les gens auront conscience que la planète n’est pas une poubelle, j’ai connu ça dans les années 80 et ça suffit. Même ici au foyer, le personnel comme les résidents vont faire une formation pour prendre conscience de ne pas mettre n’importe quoi dans les poubelles.

On The Green Road : Quels sont tes projets pour l’avenir ?

Hervé : Je vais déménager au mois d’août ! Sinon, je souhaiterais continuer à agir avec On The Green Road. L’année prochaine, j’ai aussi un gros projet, celui d’écrire un livre avec un auteur d’APF France Handicap !