😷 Confinement … Vous avez dit CONFINEMENT ?! 😱

Pas facile pour une association ancrée dans l’échange convivial et l’interculturalité, organisatrice d’évènements variés dans la Métropole Lyonnaise, et dans toute la France…

Pourtant elle est arrivée, progressivement, de plus en plus probable, cette perspective d’un confinement, alors que nous accompagnions les explor’acteurs de Déchets d’œuvres vers leur départ pour l’Europe Centrale. Ils le pensaient encore possible. Nous aussi. Et le soir même, l’annonce martiale du gouvernement, la prise de conscience de l’urgence, de ces décès bientôt par centaines, du débordement prochain des services de santé

Départ des explor’acteurs de Déchets d’Oeuvre, le 12 mars 2020 à Lyon

Notre choix fut vite fait. Avec l’assentiment de toute l’équipe, nous avons ajourné évènements et formations, imaginé des formats de partage et de travail en ligne, pensé un accompagnement des explor’acteurs impactés dans leurs projets et périples, et pris toute notre responsabilité de média émergent pour accompagner chacun dans cette crise.

Ces décisions ont été facilitées par notre grande habitude d’un travail nomade, d’une importante légèreté matérielle. Il y avait aussi cette intuition partagée au sein de l’équipe: l’impression que cette crise ferait bien plus pour la transition écologique et solidaire que la somme de toutes nos actions évènementielles. L’impression qu’elle était une étape clé de l’effondrement d’une société, nécessaire à la renaissance d’une autre. Et qu’il nous fallait dès à présent travailler à l’Après.

Probablement liée à l’empiètement toujours plus important de l’homme sur les écosystèmes sauvages (facilitant les transmutations de virus de l’animal vers l’homme), propagée planétairement à une vitesse folle par une mondialisation trépidante, cette pandémie met à nu les incohérences de notre système actuel.

Marche pour le Climat, en marge de la COP21 à Paris

Il y a cette difficulté de nos gouvernants à arrêter d’un coup toute la machine productive. Voilà un moment qu’ils étaient informés, mais comment s’y résoudre ? Et ce joli calendrier communicationnel et électoral ? Non, il fallait maintenir les municipales. Et même propulser la ministre de la santé, elle-même médecin et plutôt informée, aux manettes d’une liste parisienne décapitée, laissant du même coup la direction de ce ministère primordial pour la gestion de crise à un nouvel arrivant. Les manques de masques, les suppressions progressives de lit d’hôpitaux (100 000 en 20 ans…), les coupes dans les moyens alloués à celles et ceux qui nous soignent, sont aussi des symptômes de cette approche court-termiste, cette recherche du flux-tendu économique pour toujours maximiser la courbe coût-bénéfices. La question qui nous revient maintenant en pleine figure est la suivante : « n’aurait-on pas dans tout cela oublié la vie ? ».

C’est ce qu’il me semble quand j’entends 6 fois dans le discours présidentiel le mot « guerre ». Encore cette logique du « toujours plus », du combat, de la surenchère. Quand justement, les moyens de vaincre ce mal sont des plus humbles. Loin d’aller à la charge, il nous faut limiter nos déplacements. Plutôt que penser survie solitaire, il devient vital de densifier notre solidarité pour éviter qu’un second virus ne s’invite à la partie : la panique. Apprenons donc à coopérer, à faire l’union sacrée sans ennemis, juste pour l’autre, avec attention, pour le soin commun !

Le confinement peut en être l’occasion. Au début, il n’est pas des plus enthousiasmants. C’est certain, se dit-on, on va s’ennuyer… S’ennuyer ? Et pourquoi pas. Ne serait-ce pas ce qui nous manque ? Laisser ce vide grandir devant soi, n’est-ce pas l’occasion de ralentir, d’observer ce qu’au quotidien, l’on ne voit pas ? Cette plante, cet insecte, ce proche… C’est le prélude à l’émerveillement. Observer aussi nos états intérieurs, prier, méditer, écouter. Pleurer, rire, blaguer, jouer. Repenser à nos rêves d’enfants, ceux que la frénésie nous avait fait oublier. S’imaginer autrement, un peu plus dans notre trajectoire, celle que l’on rêve où que l’on pressent… Et pourquoi pas envisager alors pour la sortie de confinement un grand voyage sur le thème qui nous passionne ? Ou une reconversion pas à pas, accompagnée par l’Institut Transitions, afin de faire évoluer son métier, ou en créer un nouveau, plus en phase avec nos aspirations profondes ?

Il y aura aussi les peines. Celles de voir des proches partir. Des personnes que l’on a connues, appréciées, aimées. Le deuil sera douloureux. Autant peut-être que celui d’un système auquel nous croyons, au point de nous y être identifiés. Il avait été celui des 30 glorieuses, de ce « progrès » dans le monde, celui qui permettait de sortir tant de personnes de la pauvreté, de la faim, de la maladie… Et en creux celui qui grignotait à chaque fois plus dans les ressources de nos écosystèmes jusqu’à les asphyxier… à l’image de cette maladie. Nous n’avons pas voulu voir venir ses limites, pas voulu nous arrêter, et les résultats sont maintenant là, visibles : écosystèmes saccagés, extinction de masse, dérèglement climatique aux conséquences incalculables, inégalités inégalées, épuisement social, …


Marche pour le Climat, en marge de la COP21 à Paris

Pourtant cette crise nous montre qu’il n’y a là aucune fatalité. Quand l’activité humaine s’estompe, la qualité de l’air retrouve des niveaux acceptables, on ré-entend les oiseaux chanter dans les villes, les animaux reprennent la patte sur les espaces désertés par l’homme, la consommation diminue, on redécouvre les joies de l’approvisionnement local, … D’un coup les AMAP* ont la cote, le producteur du coin dont les produits ont la chaine d’approvisionnement la plus courte et la plus sûre sont recherchés, et même les supermarchés s’approvisionnent localement en fruits et légumes. Les monnaies locales deviennent judicieuses. Les associations d’entraide croulent sous les propositions bénévoles. Des collectifs se montent. Chacun propose de chez soi musique, activités, créations artistiques variées et nouvellement inventées.
Cet ébranlement met en lumière les solidarités. Chacun reprend le temps d’appeler ses proches, de prendre longuement des nouvelles, d’offrir son aide au voisin âgé ou au personnel soignant, d’être attentionné à l’autre.

On se pose alors la question : pourquoi ceci n’est-il pas la norme ? On se prend à rêver une autre société, dont l’utopie n’est plus si lointaine. Nous commençons à la vivre. Temporairement, un semblant de revenu universel devient réalité. Même au ralenti, les activités vitales subsistent. Les autres sont relativisées. Et personne cette fois-ci à traiter de “fainéant” (même si certains se le sont permis…). Chacun est actif depuis chez soi dans cette crise. Peut-être pas productif au sens économique de la maximisation des profits, mais bien actif auprès de ses enfants, ses proches, ou pour aider les secteurs vitaux à la gestion de crise.

Vient alors une seconde question : Pourquoi nous sommes-nous laissés aveugler par tant de mirages ? Pourquoi faisons-nous confiance à ce marché déifié pour régir nos existences ? Les voiles tombent. Là où le manque de liquidités financières justifiait le corsetage de l’économie réelle, les coupes budgétaires constantes et un impossible financement d’une transition écologique, on découvre qu’un argent colossal peut être créé lorsqu’il s’agit de sauver ce marché réifié. Créés oui, car dans ce domaine-là, l’économie est décorrélée de la réalité, alors qu’on nous pousse continuellement à l’envisager comme notre économie réelle, notre compte personnel, dont les facteurs d’équilibres sont plus basiques. 5 000 milliards de dollars tout de même ! Rien n’est assez quand la fine anse boit la tasse…


On découvre l’œil ébahi que ce système dans lequel nous avions tant confiance est si fragile, que son moteur est friable, et que la perte de résilience locale de laquelle il se nourrit est des plus dangereuses pour les habitants des territoires… Alors ne serait-il pas temps pour envisager le monde autrement, de faire preuve de créativité économique, mettre en marche nos rêves, reprendre notre autonomie sur notre vie propre et nos existences collectives ?

C’est justement ce que nous pouvons faire pour donner sens à ce confinement. Il est l’occasion rêvée pour penser l’Après, fait d’émergences locales, de cœurs déployés, de solidarité quotidienne, de créativité libérée. Le coucher sur le papier, s’imaginer le mettre en action, en poser numériquement les premières pierres… Et en profiter pour observer nos dépendances, nos contradictions avec ce rêve, pour peu à peu les comprendre et les transformer… Voir aussi avec plus de lucidité ces réactions dignes de pompiers pyromanes, ces coups bas, ces mensonges éhontés d’actuelles élites. Apprendre à déceler leurs stratégies émotionnelles visant à transformer un choc en opportunité électorale ou financière, et travailler à ne plus leur donner une once de notre crédit, voire systématiquement les dénoncer. Tel est le grand voyage que nous pouvons initier depuis chez nous.

C’est ce à quoi nous travaillons avec toute l’équipe de On The Green Road, chacun à notre domicile mais reliés, car bien déterminés à peser sur cette sortie de crise, sur cette construction de nouveaux paradigmes.
C’est certain, rien ne pourra être comme avant…

 

Siméon Baldit de Barral
Co-fondateur de l’association On The Green Road

 

NOTE :
*AMAP : Association de Maintien d’une Agriculture Paysanne, système de vente directe de productions paysanne. Éliminant les intermédiaires, les AMAP favorisent la bonne rémunération du producteur, la qualité des produits, une alimentation de saison et la convivialité.